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LA VIE LITTÉRAIRE.

être se défendit-il moins bien contre la solennité.

Pourtant il n’était ni triste ni sévère. Ce n’était point un mécontent, loin de là ; il inclinait même à l’optimisme. Il croyait au bien. Il avait en diverses matières la conviction du professeur, qui, quoi qu’on dise, est aussi forte que la foi du charbonnier. Il voulait être juste et même il savait être modéré, bien qu’il fût extrêmement attaché à ses idées et à ses goûts. Et cet honnête esprit n’était point un esprit borné. Il n’enfermait pas sa critique dans des jeux d’école et ne s’amusait pas aux bagatelles littéraires. Il cherchait l’homme sous l’écrivain. C’est l’homme qu’il étudiait, l’homme moral, l’homme social. Aussi ses opinions ont trouvé du crédit et gardé de l’intérêt. Les livres dans lesquels il les a recueillies, Posthumes et Revenants, Études et Portraits, se lisent encore très bien aujourd’hui. J’en ai fait l’expérience ce matin même, en feuilletant avec un noble plaisir les études que M. Cuvillier-Fleury consacrait, il y a quinze ans et plus, à des personnages du XVIIIe siècle : à cet aimable chevalier de Boufflers et à cette exquise madame de Sabran, la plus sage des âmes tendres ; à madame Geoffrin et à son « cher enfant » le roi de Pologne ; à la maréchale de Beauveau, en qui l’athéisme prenait la douceur d’une sainte espérance ; à Marie-Antoinette, envers laquelle M. Cuvillier-Fleury n’eut qu’un tort, celui de tenir pour authentiques les lettres publiées par M. d’Hunolstein. Mais comment ne s’y