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Ce pauvre M. de Chénier n’était pas capable de faire une bonne édition : il faut pour cela savoir douter ; et c’est ce qu’il ignorait le plus, bien qu’il ignorât généralement toutes choses. Son édition est pourtant utile. On la recherche justement, moins encore parce qu’elle est bien imprimée que parce qu’elle contient plusieurs morceaux inédits, tirés des manuscrits conservés dans la famille. M. Becq de Fouquières fit un petit volume tout exprès pour relever les bévues de M. de Chénier. Il les releva avec autant de sûreté que de grâce. Il y mit du savoir et n’y mit point de méchanceté. Il fallait qu’il fût attaqué injustement pour qu’on sût à quel point il était galant homme. En cela encore, je l’estime heureux. Il n’a point vécu en vain ; il laisse de bonnes éditions d’un grand poète, qui fut aussi un excellent prosateur, un écrivain nerveux et concis. On ne sait pas assez qu’André Chénier compte, pour sa prose, parmi les grands écrivains de la Révolution. Sans M. Becq de Fouquières on ne le saurait pas du tout. M. Becq de Fouquières a réalisé le dessein que formait Marie-Joseph Chénier, dans l’enthousiasme fugitif de ses regrets, quand il disait éloquemment :


Auprès d’André Chénier, avant que de descendre,
J’élèverai la tombe où manquera sa cendre,
Mais où vivront du moins et son doux souvenir
Et sa gloire et ses vers dictés pour l’avenir.


Ce monument, que Marie-Joseph n’éleva point, est