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rent la conviction, mais elles ne prouvent rien. Il demeure certain que l’idée de Dieu est absente de la poésie d’André Chénier. M. de Chénier voulait que son jeune oncle, qu’il protégeait, fut pieux et chaste. Il fut scandalisé quand M. Becq de Fouquières soupçonna des maîtresses au poète des Élégies, au chantre érotique de la Lampe. Ces soupçons étaient assez fondés, pourtant. André lui-même a dit quelque part : « Je me livrai souvent aux distractions et aux égarements d’une jeunesse forte et fougueuse. » On savait que cette Camille, « éperduement aimée », n’était autre que la belle madame de Bonneuil, dont la terre touchait à la forêt de Sénart. Amélie, Rose et Glycère ne semblaient pas tout à fait des fictions poétiques, non plus que les belles et faciles Anglaises dont André a immortalisé les formes dans de libres épigrammes grecques. On parlait de madame Gouy-d’Arcy, de la belle mistress Cosway, en qui le poète vantait


La paix, la conscience ignorante du crime,
Et la sainte fierté que nul revers n’opprime.


Il semblait bien que l’ardent et fier jeune homme eût goûté la beauté de la femme jusqu’au pied de l’échafaud, il semblait qu’il eût alors regardé d’un œil ardent cette jeune captive, cette duchesse de Fleury dont madame Vigée-Lebrun a dit : « Son visage était enchanteur, son regard brûlant, sa taille celle qu’on donne à Vénus, et son esprit supérieur. »

Mais M. Gabriel de Chénier déclara, d’un ton qui