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qu’aujourd’hui, dans un collège, qu’un élève ait en sa possession les poésies de Sapho. »

M. Becq de Fouquières dut sourire doucement des raisons du vieillard. J’ai le droit d’en sourire aussi peut-être ; car, précisément, j’ai lu Sapho au collège, dans un petit volume de l’édition Boissonnade, ou la pauvre poétesse tenait fort peu de place. Hélas ! le temps n’a respecté qu’un petit nombre de ses vers. J’ajouterai que, plus tard, ce même volume passa, avec le reste de ma collection des poètes grecs, dans la bibliothèque du père Gratry, de l’Oratoire, dont l’ardente imagination se nourrissait de science et de poésie. Au fait, que croyait donc M. Gabriel de Chénier des poésies de Sapho ? S’imaginait-il, par hasard, qu’il y eût dans ces beaux fragments de quoi ternir l’innocence, déjà expirante, du jeune André ? Ce serait une étrange méprise.

La querelle de MM. Becq de Fouquières et Gabriel de Chénier restera mémorable dans l’histoire de la république des lettres. M. de Fouquières avait cité le mot bien connu de Chênedollé : « André Chénier était athée avec délices. » Le neveu répondit avec assurance : « André, qui avait une intelligence si supérieure, qui savait si bien admirer les merveilles de la nature et comprendre les grandeurs infinies de l’univers, ne pouvait être supposé atteint de cette infirmité de l’esprit humain qu’on appelle l’athéisme que par un homme qui aurait été l’ennemi de la philosophie du dix-huitième siècle. » Ces paroles respi-