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M. BECQ DE FOUQUIÈRES

M. Reinhold Dezeimeris le lui fit bien voir, dans une élégante et subtile dissertation. C’est là un exemple frappant et digne d’être médité. Nous avons tous notre talon d’Achille. Si bien préparés que nous soyons à la tâche qui nous incombe, il y a toujours un Théodore Prodrome qui nous échappe. Il faut nous résoudre à ne pas tout savoir, puisque Becq de Fouquières lui-même a ignoré une des sources de son poète.

C’est en 1862 que cet éditeur plein d’amour donna sa première édition critique des poésies d’André Chénier. Dix ans plus tard, il en donnait une seconde bien améliorée et beaucoup enrichie, tant pour la notice que pour le commentaire.

Peu après, en 1874, M. Gabriel de Chénier publia la sienne. C’était un robuste vieillard que M. Gabriel de Chénier. À quatre-vingts ans, il portait haut la tête ; ses épaules athlétiques s’élevaient au-dessus de celles des autres hommes. Son visage était immobile et chenu, mais ses yeux noirs jetaient des flammes. Il avait blanchi paisiblement dans un bureau du ministère de la guerre, et il semblait revenir, comme un autre Latour-d’Auvergne, de quelque armée de héros dont il eût été le doyen. Un de nos confrères dont j’ai oublié le nom, un jeune journaliste, l’ayant rencontré chez le libraire Lemerre, admira cette robuste vieillesse et le prit pour un homme des anciens jours. Il courut au journal annoncer en frémissant qu’il venait de voir l’oncle d’André Chénier. En réalité, il n’avait vu que le neveu. M. Gabriel de Chénier était