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plaisir ; hagard, faucon hagard, qui vit sur les haies et n’est pas apprivoisé, d’où : air hagard, air farouche ; niais, proprement oiseau qui est encore au nid, etc.

« Les mots, dit M. Arsène Darmesteter, les mots gardent l’empreinte primitive que leur a donnée la pensée populaire. Les générations se suivent, recevant des générations antérieures la tradition orale d’expressions, d’idées et d’images qu’elles transmettent aux générations suivantes. » Aussi peut-on lire, quand on est averti, toute l’histoire de France dans un dictionnaire français. Je me rappelle un propos de table de M. Renan. On parlait des Mérovingiens. « Le genre de vie d’un Clotaire ou d’un Chilpéric, nous dit M. Renan, n’était pas bien différent de celui que mène, de notre temps, un gros fermier de la Beauce ou de la Brie. » Or, l’étymologie des mots cour, ville, connétable et maréchal donne raison à M. Renan, en nous révélant le mode d’existence des rois chevelus. En effet, la cour mérovingienne, la cortem, n’était pas autre chose que la cohortem ou basse cour des Romains. Les connétables étaient les chefs des écuries, et les maréchaux les gardiens des bêtes de somme. Et le roi résidait dans sa villa, c’est-à-dire dans sa métairie.

« Toutes les misères du moyen âge, dit M. Darmesteter, se révèlent dans le chétif, c’est-à-dire dans le captivum, le prisonnier (chétif, au moyen âge, signifie encore prisonnier), le faible incapable de