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naquit et se forma dans les travaux de la terre. Il est plein de métaphores empruntées à la vie rustique ; il est tout fleuri des fleurs des champs et des bois. Et c’est là pourquoi les fables de La Fontaine ont tant de parfum.

Qui dit campagnard dit chasseur ou braconnier. On ne vit point aux champs sans tirer sur la plume ou le poil. Mon aimable confrère M. de Cherville, l’auteur de la Vie à la campagne, ne me démentira pas. Or, les hommes changent moins qu’on ne pense ; de tout temps, il s’est trouvé en France beaucoup de chasseurs et plus encore de braconniers. Aussi le nombre est grand des métaphores que la chasse fournit à notre idiome.

M. Darmesteter en cite de curieux exemples. Ainsi quand nous disons : aller sur les brisées de quelqu’un, nous employons, à notre insu, une image tirée des pratiques de la vénerie. Les brisées sont les branches rompues par le veneur pour reconnaître l’endroit où est passée la bête.

Parmi les personnes qui emploient le verbe acharner, combien peu savent qu’il signifie proprement lancer le faucon sur la chair ? La chasse a donné à la langue courante : être à l’affût, amorce, ce que mord l’animal, appât, ce qu’on donne à manger à la bête pour l’attirer ; rendre gorge qui se disait au propre du faucon avant de se dire au figuré des concussionnaires ; gorge-chaude, curée de l’oiseau, d’où : s’en faire des gorges chaudes, s’en donner à