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main. Le langage des hommes est né du sillon : il est d’origine rustique, et, si les villes ont ajouté quelque chose à sa grâce, il tire toute sa force des campagnes où il est né. À quel point la langue que nous parlons tous est agreste et paysanne, c’est, en ce moment, ce qui me frappe et me touche. Oui, notre langage sort des blés, comme le chant de l’alouette.

Le livre de M. Arsène Darmesteter, qui m’aide à faire, en tisonnant, ces rêveries d’automne, que je jette décolorées sur le papier, est un livre de science dont il faudrait faire un plus utile usage, une plus sérieuse étude. M. Arsène Darmesteter est un linguiste doué d’un esprit à la fois analytique et généralisateur qui s’élève par degrés jusqu’à la philosophie de la parole. Sa rigoureuse et vigoureuse intelligence inaugure une méthode et construit un système.

Darwin de la grammaire et du lexique, il applique aux mots les théories transformistes et conclut que le langage est une matière sonore que la pensée humaine modifie insensiblement et sans fin, sous l’action inconsciente de la concurrence vitale et de la sélection naturelle. Il conviendrait d’analyser méthodiquement cette étude méthodique. Je laisse ce soin à d’autres, plus savants, à M. Michel Bréal, par exemple. Je n’entrerai pas dans la pensée profonde et régulière de M. Arsène Darmesteter. Je m’amuserai seulement un peu tout autour. Je vais feuilleter son livre, mais en détournant de temps en temps les