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Non, le beau nom d’humanités qu’ont lui donna longtemps nous éclaire sur sa véritable mission ; il doit former des hommes et non point telle ou telle espèce d’hommes ; il doit enseigner à penser. La sagesse est de se tenir satisfait s’il y réussit et de ne pas lui demander beaucoup d’autres choses en plus.

Apprendre à penser, c’est en cela que se résume tout le programme bien compris de l’enseignement secondaire.

C’est pourquoi je regrette infiniment, les méthodes d’après lesquelles on enseignait autrefois le latin dans les classes de lettres ; car, en apprenant le latin de la sorte, les élèves apprenaient quelque chose d’infiniment plus précieux que le latin : ils apprenaient l’art de conduire et d’exprimer leur pensée.

Je lutte contre la nécessité. Qu’on veuille excuser cette vaine obstination. Je porte aux études latines un amour désespéré. Je crois fermement que, sans-elles, c’en est fait de la beauté du génie français. Le latin, ce n’est pas pour nous une langue étrangère, c’est une langue maternelle ; nous sommes des Latins. C’est le lait de la louve romaine qui fait le plus beau de notre sang. Tous ceux d’entre nous qui ont pensé un peu fortement avaient appris à penser dans le latin. Je n’exagère pas en disant qu’en ignorant le latin on ignore la souveraine clarté du discours. Toutes les langues sont obscures à côté de celle-là. La littérature latine est plus propre que toute autre à former les esprits. En parlant ainsi, je ne m’abuse pas, croyez-le