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balance. Voilà M. Paul Bourget sauvé pour cette fois. Et c’est par vous, prince Hamlet.

J’ai sous les yeux, tandis que j’écris, une vieille gravure allemande qui vous représente, mais où j’ai peine à vous reconnaître. Elle vous représente tel que vous étiez au théâtre de Berlin vers 1780. Vous ne portiez point alors ce deuil solennel dont parle votre mère, ce pourpoint, ces hauts-de-chausses, ce manteau, cette toque dont Delacroix vous a si noblement vêtu quand il fixa votre type dans des dessins maladroits, mais sublimes, et que M. Mounet-Sully porte avec une grâce si virile et tant de poétiques attitudes. Non ! vous paraissiez devant les Berlinois du XVIIIe siècle dans un costume qui nous semblerait aujourd’hui bien étrange. Vous étiez vêtu — ma gravure en fait foi — à la dernière mode de France. Vous étiez coiffé en ailes de pigeon et poudré à blanc ; vous portiez collerette brodée, culottes de satin, bas de soie, souliers à boucles et petit manteau de cour, enfin tout l’habit de deuil des courtisans de Versailles. J’oubliais le chapeau Henri IV, le vrai chapeau de la noblesse aux États généraux. Ainsi accoutré et l’épée de cour au côté, vous vous tenez aux pieds d’Ophélie, qui est, ma foi, fort gentille dans sa robe à paniers, avec sa haute coiffure à la Marie-Antoinette, que surmonte un grand panache de plumes d’autruche. Tous les autres personnages sont habillés à l’avenant. Ils assistent, avec vous, à la tragédie de Gonzago et Baptista. Votre beau