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de vertus que je possède. » Mais, quelle qu’ait été l’influence de Sophie-Dorothée, il faut reconnaître que sa petite-fille était née avec un cœur droit et une âme généreuse. Catherine avait quinze ans quand elle perdit sa grand’mère. Ce fut sa première douleur. Elle alla vivre alors à la cour de son père, qu’elle trouva marié en secondes noces à la princesse Charlotte-Mathilde d’Angleterre.

Par une disposition d’esprit qu’on sait n’être pas rare, elle refusa son amitié et sa confiance à sa jeune belle-mère, réservant à sa tante et surtout à son père toute la tendresse de son âme ardente. C’était alors une belle jeune fille, dans tout l’éclat de son teint clair, de ses grands yeux bleus et de sa chevelure blonde et bouclée. Elle avait un air mutin qui devait se changer bientôt en un air héroïque. Son père, la voyant riante et fraîche, lui témoignait de l’amitié et jouait volontiers avec elle. Frédéric de Wurtemberg était un soldat. Le cœur des soldats est parfois d’une exquise bonté. Mais c’était aussi un politique, et la tendresse des politiques est toujours courte. Nous verrons que Frédéric fit taire la sienne dès que la raison d’État parla à son oreille. On dit que, lors même de la première jeunesse de sa fille, « ses caresses était celles du lion faisant sentir ses griffes ». Ce lion germanique tenait aussi du renard. Il était violent, mais il était rusé. Les relations de ce petit souverain avec Napoléon rappellent assez certains épisodes du roman populaire que Gœthe mit en vers et dans lequel