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un supplice pire que tous les martyres, et je ne sais si cela ne lui viendrait pas en tête.


Bientôt, elle apprend de toutes parts que le monstre quitte sa femme pour en prendre une autre dans une des cours de l’Europe. « Je plains, dit-elle, la pauvre princesse qu’il choisira. » Mais, quand, enfin, elle soupçonne que cette pauvre princesse, c’est elle-même, elle se résigne. Marie-Louise était née pour la résignation.


Depuis le divorce de Napoléon, j’ouvre chaque gazette de Francfort dans l’idée d’y trouver la nomination de la nouvelle épouse, et j’avoue que ce retard me cause des inquiétudes involontaires ; je remets mon sort entre les mains de la Providence, elle seule sait ce qui peut nous rendre heureux. Mais, si le malheur voulait, je suis prête à sacrifier mon bonheur particulier au bien de l’État, persuadée que l’on ne trouve la vraie félicité que dans l’accomplissement de ses devoirs, même au préjudice de ses inclinations. Je ne veux plus y penser ; mais, s’il le faut, ma résolution est prise, quoique ce serait un double et bien pénible sacrifice. Priez pour que cela ne soit pas. (22-23 janvier 1810.)


Vous connaissez le conte de la Belle et la Bête. La Belle avait grand’peur de la Bête ; mais, quand elle la vit, elle l’aima. Napoléon, flatté d’épouser une archiduchesse, accueillit sa fiancée avec un empressement dont la violence même ne déplut pas à la jeune Allemande, qui venait à lui, blanche, blonde et grasse. « Il était si enthousiasmé, dit une des femmes de chambre