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chicané sur les variations de ses jugements, comme si vingt années de révolutions n’apportaient pas de changements dans un esprit politique. Ils lui ont reproché la longueur de ses batailles ; il est vrai qu’elles sont longues, et qu’il les allonge encore en les résumant. Il est vrai aussi qu’après les avoir racontées telles qu’elles ont été livrées, il les raconte telles qu’elles devaient l’être et que, de la sorte, il les gagne toutes, après coup. Il est vrai qu’il emploie les documents un peu trop à sa guise et que, — parfois, — comme on dit, il tire à lui la couverture.

On a pu relever, dans cet admirable Consulat comme dans la Révolution, des inexactitudes et des inadvertances. M. de Martel n’y manque point, après Charras, Lanfrey, Barni et tant d’autres. Mais qui oserait soutenir que le Napoléon de Lanfrey est aussi vrai que celui de M. Thiers ? De bonne foi, lequel des deux est le plus vivant ? N’est-ce point M. Brunetière qui disait de l’histoire de M. Thiers : « C’est encore la plus ressemblante » ? M. Thiers n’a parlé, a-t-on dit, dans ces vingt volumes, que « des grandeurs de chair », et il n’a rien dit de celles de l’esprit et des lettres. Il a fait l’histoire des affaires. Le mot est, je crois, de M. Nisard. Soit ! Ce n’est pas la plus aisée à faire. Nous voudrions bien qu’un contemporain de Tacite eût fait l’histoire des affaires de son temps.

L’espace me manque pour un si grand sujet. Nous voilà ramenés à la question d’écrire. Le style du