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M. Thiers entreprit en 1845 d’écrire l’histoire du grand homme dont il avait ramené les cendres. Ce dessein n’était pas tout à fait désintéressé. Quand il le forma, M. Thiers était dans l’opposition, et l’on peut le soupçonner véhémentement d’avoir consenti sans déplaisir à éclipser la monarchie de Juillet sous la gloire du Consulat et l’éclat de l’Empire. Il ne faut pas perdre de vue que, si M. Guizot est un historien qui fait de la politique, M. Thiers est un politique qui fait de l’histoire. On ne pourrait dire pourtant sans injustice que c’est une œuvre de circonstance. Son modèle, qu’il mit vingt ans à peindre, l’enthousiasmait. On l’a entendu qui s’écriait : « Quelle bonne fortune ! On m’a été prendre Alexandre du fond de l’antiquité et on me l’a mis là, de nos jours, en uniforme de petit capitaine et avec tout le génie de la science moderne. » Et, pour peindre le nouvel Alexandre, M. Thiers employa toutes les ressources d’un esprit inépuisable. On ne sait ce qu’il faut admirer le plus dans cet ouvrage, de la grandeur du dessein, de la noblesse aisée de la distribution, ou de la clarté des tableaux. Vaste et magnifique composition dont les chapitres portent, non les noms des Muses comme les livres d’Hérodote, mais des noms de victoires ! Ensemble harmonieux d’une beauté vraiment classique ! Œuvre immense, œuvre unique d’un esprit rompu aux affaires et sensible à la gloire ! M. Thiers était, lors de son entreprise, un vieil homme d’État. Des minutieux l’ont