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peu et dédaignait d’écrire. Suivant un contemporain, il n’avait aucune prétention, pas même de deviner ce qu’il ignorait, prétention si commune aux hommes de sa trempe. Il écoutait Fabre d’Églantine et faisait parler sans cesse son jeune et intéressant ami Camille Desmoulins, dont l’esprit faisait ses délices.


On voit du premier coup d’œil que, dans cette copie, tous les contours sont amollis, tous les traits émoussés. Je n’ai pas besoin de montrer combien la dernière phrase est languissante. M. Thiers n’a pas, le plus souvent, de relief dans l’expression. On remarque aussi que le style de sa première histoire a vieilli par endroits. On ne dit plus, comme lui, le temple des lois pour désigner la Convention ; on n’appelle plus André Chénier et Roucher deux enfants des Muses. Bien que ces façons de dire me choquent médiocrement, puisqu’elles étaient dans le goût du temps, je veux bien les condamner avec tous les autres défauts du style de M. Thiers. Mais que les adversaires de l’écrivain ne se hâtent pas de triompher ; toutes ces taches paraissent peu dans l’ensemble et c’est l’ensemble qu’il faut considérer. Il faut bien aussi louer les qualités de ce style, et c’est ce qu’on ne fait pas assez. Il faut en reconnaître la clarté, la chaleur et le mouvement. Ce ne sont pas là de minces mérites. M. Thiers a la phrase vraie, large, animée. Je m’arrête ; peut-être serons-nous plus à l’aise, tout à l’heure, en parlant du Consulat, pour défendre, avec succès et dans la plus large mesure, la manière de l’historien.