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vinrent suivis d’un seul chameau porteur de cinq cents volumes.

— Je me flatte, dit le doyen, d’avoir été compendieux.

— Vous ne l’avez pas encore été suffisamment, répondit le roi. Je suis au bout de ma vie. Abrégez, si vous voulez que je sache, avant de mourir, l’histoire des hommes.

On revit le doyen devant le palais au bout de cinq ans. Marchant avec des béquilles, il tenait par la bride un petit âne qui portait un gros livre sur son dos.

— Hâtez-vous, lui dit un officier, le roi se meurt.

En effet, le roi était sur son lit de mort. Il tourna vers le doyen et son gros livre un regard presque éteint, et il dit en soupirant :

— Je mourrai donc sans savoir l’histoire des hommes !

— Sire, répondit le doyen, presque aussi mourant que lui, je vais vous la résumer en trois mots : Ils naquirent, ils souffrirent, ils moururent.

C’est ainsi que le roi de Perse apprit l’histoire universelle au moment de passer, comme on dit, de ce monde à l’autre.

M. Thiers, en lançant tout fougueux son livre en 1823, fut mieux avisé, il faut en convenir, que le doyen des académiciens de Perse. Il nous reste à dire un mot de la façon dont le livre est écrit, puisque enfin notre métier est de parler littérature.