Page:La Vie littéraire, I.djvu/264

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

si l’on excepte les Trois mousquetaires, qui, l’on en conviendra, n’appartiennent pas au même genre. On dit que les lecteurs de ces ouvrages ont diminué depuis dix ans ; je suis disposé à le croire ; mais il est certain qu’ils sont très nombreux encore.

Quant aux jugements qu’on en porte aujourd’hui, — je parle des jugements qui font loi, — ils sont très divers. Convenons que la nouvelle école historique ne leur est pas très favorable. Mais il faut se garder des jugements trop généraux et entrer un peu dans le détail des choses.

C’est en 1823 que M. Thiers commença son Histoire de la Révolution. On n’avait alors sur cette grande époque que le témoignage des contemporains. MM. Berville et Barrière publiaient la volumineuse collection de Mémoires à laquelle leur nom est attaché. Tous les lecteurs un peu généreux se sentaient remués jusqu’au fond de l’âme par ces pages brûlantes, écrites dans la prison ou l’exil, sous le coup de la proscription et de la mort, par ces testaments publics de madame Roland et de tant d’autres victimes héroïques. Déjà naissait la légende des Girondins. Le livre de M. Thiers fut conçu dans le feu de cet enthousiasme.

Il n’était préparé ni par de longues études, ni par de graves méditations. M. Thiers, fort jeune encore, montrait plus de spirituelle pétulance que de profondeur méditative. Ce petit homme, grisé par la capiteuse nouveauté de la vie, demandait au monde le