Page:La Vie littéraire, I.djvu/245

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Un jour, je rencontrai Pholoë sur la cime
Où m’avait emporté mon vertige sublime.
Superbe, le front haut, ses longs cheveux épars,
Les seins au vent, le ciel était dans ses regards.
On eût dit à la voir, dans sa grâce ingénue,
Une fille du ciel, une enfant de la nue,
Ou la divinité sauvage du vieux mont.
Moitié femme, moitié cavale, son beau front
Rayonnait dans l’air pur de lumière et de gloire,
Et son pied frémissant creusait la terre noire.
Que je la trouvai belle ! Elle me regarda…

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

À mon désir muet son âme fut séduite ;

Et tous deux emportés par une même fuite,
Nous allâmes cacher dans les bois nos amours…

Ce poème de la Mort du Centaure est inspiré par une belle philosophie. Ayant la joie de dîner il y a quelques jours avec un très grand sage, j’appris de lui quelle philosophie il est convenable d’avoir si l’on veut n’être pas trop dupe de la vie et des choses. — « C’est, me dit ce sage, le panthéisme pour soi et le déisme pour les autres. » M. de Ronchaud ne connut jamais une sagesse si prudente. Il était panthéiste pour les autres comme pour lui-même. Il professait une riante obéissance aux lois éternelles. Il croyait hautement aux dieux bons cachés dans la nature. De toutes les doctrines philosophiques, le panthéisme est assurément la plus favorable à la poésie. M. de Ronchaud doit au panthéisme ses plus beaux vers. Ce poème de Chiron, dont j’ai cité un passage, est un admirable cantique chanté à la divine nature. Le vieux centaure y symbolise l’humanité et,