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LE CHEVALIER DE FLORIAN.

néchal. Après son départ, nous voulûmes reprendre la pièce commencée, mais nous n’y pûmes parvenir. »

Certes le chevalier avait tort de n’être point gai. Je tiens d’une personne fort spirituelle et fort sensée que la gaieté est la forme la plus aimable du courage. Mais il faut reconnaître que les inquiétudes du ci-devant chevalier étaient fondées. Bientôt, cet homme inoffensif, victime d’une odieuse et folle suspicion, fut mis en état d’arrestation et conduit à la Bourbe. On appelait vulgairement ainsi l’ancien couvent de Port-Royal de Paris, devenu une prison sous le nom de Port-Libre. C’était une demeure habitable encore, malgré l’encombrement, et dont le régime était moins dur que celui des autres maisons d’arrêt.

La compagnie y était excellente. Le soir, les femmes, parées avec grand soin, se réunissaient aux hommes dans la salle commune, qu’elles transformaient en un salon élégant. Le poète Vigée et le citoyen Coittant y disaient des vers. Le baron de Wirbach y donnait des concerts, et l’on affirme que ce baron de Wirbach était la première viole d’amour de son siècle. Un acacia, planté dans une des cours, abritait, dit-on, les plus douces confidences. Un poète reconnaissant le célébra dans un ode qui se termine par ce vers :

Sous son ombrage on fut heureux.

On lit dans le journal d’un des détenus de la Bourbe, à la date du 27 messidor an II (15 juil-