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LE CHEVALIER DE FLORIAN.

qu’à la veille de la proscription ce n’était pas le temps d’unir sa destinée à celle d’une jeune fille notée elle-même d’incivisme. C’eût été là une généreuse folie, et M. de Florian n’était capable de folies d’aucune sorte. Il professait volontiers avec Parny que :

Une indifférence paisible
Est la plus sage des vertus.

Il était trop prudent pour n’être pas un peu égoïste et il estimait, lui aussi, que, dans une pareille époque, c’est assez de vivre, sans rien de plus. Madame Le Sénéchal, qui ne se faisait pas d’illusions sur son caractère, loin de là, ne tarda pas à acquérir une nouvelle preuve des dispositions paisibles du chevalier. Fixée à Montrouge avec sa famille dans les derniers mois de 1792, cette dame donna asile au marquis d’Audiffret, son gendre, qui était porté sur une liste d’émigrés. Il fut dénoncé par des patriotes de Montrouge et aussitôt arrêté. Madame Le Sénéchal pria Florian d’attester que M. d’Audiffret n’avait pas quitté le territoire de la République. C’était la vérité, mais il y avait péril à porter ce témoignage. D’Audiffret n’était point un émigré, mais c’était un ci-devant. Son beau-frère, le marquis de Chérisey, avait émigré. D’Audiffret était deux fois suspect. Florian, ci-devant lui-même, ne pouvait se montrer sans danger. Il s’excusa. Son jeune rival, trop heureux de saisir une occasion qu’on lui laissait, s’offrit pour témoin. Il courait les plus grands risques en faisant cette démarche : car sa colla-