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LE CHEVALIER DE FLORIAN.

jeune chevalier faisait danser ses bergères. Galatée parut en 1783, Numa Pompilius en 1786, Estelle en 1788. Sans inspirer l’enthousiasme, ces ouvrages furent bien reçus. Encore que les gens de goût en sentissent la faiblesse, les pastorales devinrent à la mode. Les dessinateurs, et particulièrement Queverdo y mirent de galants frontispices où l’on voyait des pastourelles avec des fleurs à leur chapeau, des rubans à leur houlette et le nom d’Estelle gravé sur l’écorce des chênes. Laharpe, bien qu’ami de l’auteur, maltraita Gonzalve de Cordoue. Mais il avait loué Galatée. On dit qu’un jour Rivarol, rencontrant Florian qui marchait devant lui, un manuscrit à demi sorti de sa poche, s’écria : « Ah ! monsieur, comme on vous volerait si on ne vous connaissait pas. » Mais ce n’est là qu’un joli mot. Nous savons, par le témoignage d’un contemporain, qu’Estelle rapporta à Florian beaucoup plus que l’Émile et la Nouvelle Héloïse n’avaient rapporté à Jean-Jacques.

Quoi qu’il en semble aujourd’hui, Florian avait le génie de l’à-propos. Il se fit berger au temps où toutes les belles dames étaient bergères. Il parla nature et sentiment à une société qui ne voulait entendre que sentiment et nature. Son Numa Pompilius, publié trois ans avant la réunion des états généraux, n’est qu’une longue allusion aux vœux politiques de la France. Ce roi inspiré par la sagesse, ce prince, disciple de Zoroastre, élevé par le choix des peuples à l’auguste et suprême magistrature, ce Numa qui fait