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LES FOUS DANS LA LITTÉRATURE.

s’assimiler quelques éléments opaques et il deviendra visible. En attendant, il ne peut demeurer invisible sans rester transparent ; donc, si je ne le vois pas, je verrai du moins dans son corps le lait qu’il aura bu. S’il vous plaît, je ne m’en tiendrais pas au lait : je tâcherais de lui faire avaler de la garance, pour le colorer en rouge des pieds à la tête.

À cela près, et pourvu qu’ils ne boivent ni lait ni eau, les invisibles peuvent fort bien exister. Et pourquoi non, je vous prie ? Qu’y a-t-il d’absurde à supposer leur existence ? C’est l’hypothèse contraire, pour peu que l’on y songe, qui choque la raison. Car ce serait un grand hasard si la vie, dans toutes ses formes, tombait sous nos sens, et si nous étions constitués de manière à embrasser l’échelle entière des êtres. Pour nous apparaître, il faut que la vie se manifeste dans des conditions très particulières de température. Si elle existe dans les milieux gazeux, ce qui, après tout, n’est pas impossible, nous n’en pouvons rien connaître, et ce n’est pas une raison pour la nier. La matière n’a pas, à l’état gazeux, moins d’énergie qu’à l’état solide. Pourquoi les soleils, qui semblent remplir dans l’univers, au centre de chaque système, des fonctions royales et paternelles, seraient-ils le séjour de l’éternel silence ? Pourquoi ne porteraient-ils pas dans leurs vastes flancs la vie et l’intelligence en même temps que la chaleur et la lumière ? Et pourquoi l’atmosphère des planètes, pourquoi l’atmosphère de la terre ne seraient-elles