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l’histoire qu’ils ne contiennent, pour ainsi dire, ni faits ni personnages historiques. Ceux-là, hommes et choses, ne peuvent que s’altérer et se dénaturer en passant de l’histoire dans le roman. Le romancier bien inspiré prend pour ses héros les inconnus que l’histoire dédaigne, qui ne sont personne et qui sont tout le monde, et dont le poète compose des types immortels. C’est ainsi qu’un poème ou un roman peut nous faire voir le peuple, la nation et la race, cachés souvent dans l’histoire par un rideau de personnages publics. Obéissant à un sentiment très sûr des lois de son art, Balzac se refuse à entraîner les hommes historiques dans le cercle de ses créations et à leur attribuer des actions imaginaires. C’est ainsi que l’homme qui domine le siècle, Napoléon, ne figure que six fois dans toute la Comédie humaine, et de loin, dans des circonstances tout à fait accessoires. (Voy. le livre de MM. Cerfberr et Christophe, page 47). Balzac, mêle à ses deux mille personnages imaginaires un très petit nombre de personnages réels. MM. Cerfberr et Christophe indiquent indifféremment les uns et les autres. J’aurais souhaité qu’ils distinguassent les noms réels par un astérisque ou par tout autre signe. Cette distinction est peu utile, j’en conviens, pour Napoléon, Louis XVIII, madame de Staël ou même pour madame Falcon, Hyde de Neuville et madame de Mirbel, dont je relève les noms dans le livre que j’ai sous les yeux. J’allais ajouter Marchangy, qui est aussi connu comme magistrat servile