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C’est une vieille croyance, en Poméranie, que toutes les familles qui reçoivent ce titre s’éteignent promptement. « Je pourrais en citer dix ou douze, disait longtemps après M. de Bismarck ; je fis donc tout pour l’éviter ; il fallut bien enfin me soumettre. Mais je ne suis pas sans inquiétude, même maintenant. »

Il ne paraît pas que ce soit là une pure plaisanterie. On dit aussi qu’il vit des fantômes dans un vieux château du Brandebourg. Quant à sa croyance en Dieu, elle semble profonde. La foi chrétienne a même arraché à ce superbe des accents d’humilité. N’a-t-il pas écrit publiquement : « Je suis du grand nombre des pécheurs auxquels manque la gloire de Dieu. Je n’en espère pas moins, comme eux, que, dans sa grâce, il ne voudra pas me retirer le bâton de l’humble foi, à l’aide duquel je cherche ma voie au milieu des doutes et des dangers de mon état. » Je ne suis pas tenté de suspecter outre mesure la sincérité du sentiment qu’expriment ces paroles piétistes. Il n’est pas surprenant que M. de Bismarck soit un esprit religieux, puisqu’il joint à beaucoup d’imagination un dégoût instinctif des sciences naturelles et positives. De tout temps, il a volontiers consulté « la Bible et le Ciel étoilé », et fait comme un autre son roman de l’idéal.

On le dit triste, et je l’en félicite. Il méprise les hommes, et pourtant leur inimitié lui pèse. Il s’écrie amèrement : « J’ai été haï de beaucoup et aimé d’un petit nombre (1866). — Il n’y a pas d’homme si bien