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pour vrai ce que leur disait ou montrait un médecin de bonne foi en qui ils devaient avoir confiance, et ils ont versé dans leur écrits, en les embellissant par leur imagination, toutes les singularités dont ils avaient été les témoins. » Ce pourrait bien être le cas de l’auteur de Marfa. Après tout, qu’importe ? Ce que M. Gilbert-Augustin Thierry demandait à la science, c’était non des vérités, mais des apparences, des ombres, des fantômes de vérités. S’il avait fait une histoire scientifique, il n’aurait pas fait une histoire merveilleuse, et ce serait dommage.

Il est une autre question que soulève la lecture de Marfa ; celle-là, très importante, ne saurait être traitée convenablement en quelques lignes. Je me contenterai de l’indiquer. Les doctrines nouvelles de l’hérédité morale et de la suggestion par l’hypnose n’ont pas laissé intact le vieux dogme de la liberté humaine. En cela, elles ont atteint la morale traditionnelle et causé quelque inquiétude au philosophe comme au légiste. Peut-on, par contre, dégager de la science nouvelle une nouvelle morale ? M. Gilbert-Augustin Thierry le croit, il ne le prouve pas. Il a visé haut et voulu aborder de grands problèmes scientifiques et moraux. Il a réussi du moins à faire une œuvre d’art d’un ordre supérieur, un beau conte. C’était là l’essentiel. Le reste lui sera peut-être donné par surcroît ; car il y a dans un beau conte d’abord ce que l’auteur y a mis et ensuite ce que le lecteur y ajoute.