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une science surnaturelle et qui rend aux dames les broches qu’elles ont perdues. C’est précisément ce sage Kout-Houmi qui me gâte l’occultisme. Ne s’est-il pas avisé, lui qui sait tout, de copier sans le dire, dans une de ses lettres magiques, une conférence faite à Lake-Pleasant, le 15 août 1880, par un journaliste américain nommé Kiddle ? Kiddle s’en plaignit amèrement, et Kout-Houmi répondit à ces plaintes qu’un sage pouvait bien oublier une paire de guillemets. J’admire la sérénité de cette réponse, mais le doute s’est glissé malgré moi dans mon cœur et il ne m’est plus possible de croire en Kout-Houmi. La vérité est que le monde inconnu, c’est, non pas aux magiciens et aux spirites, mais aux romanciers et aux poètes qu’il faut en demander le chemin. Eux seuls possèdent l’aiguille aimantée qui se tourne vers le pôle enchanté ; eux seuls ont la clef d’or du palais des rêves. Et, puisque nous avons besoin de magies et d’évocations, c’est à de nouveaux Apulées, c’est aux Hoffmann et aux Edgar Poë que nous demanderons l’initiation aux mystères. Les poètes, du moins, ne trompent pas, puisqu’on sait qu’ils mentent, et puisqu’ils ne mentent que par générosité.

M. Gilbert-Augustin Thierry doit être compté au premier rang parmi les esprits doués du sens des choses étranges et mystérieuses. Neveu de l’illustre aveugle qui, comme Homère et Milton, sut voir tant de choses, fils d’Amédée Thierry, qui poussa si loin, dans ses Récits de l’histoire romaine, l’art de la