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à ce qui est au delà. Il nous faut du nouveau. On nous dit : « Que voulez-vous ? » Et nous répondons : « Je veux autre chose. » Ce que nous touchons, ce que nous voyons n’est plus rien : nous sommes attirés par l’intangible et l’invisible. Pourquoi s’en défendre ? N’est-ce pas là un naturel et légitime sentiment. C’est peu de chose que l’univers sensible, oui, peu de chose, puisque chacun de nous le contient en soi. Sans manquer de respect à la physique et à la chimie, on peut deviner qu’elles ne sont rien à côté de l’ultra-physique et de l’ultra-chimie, que nous ne connaissons pas. Oh ! comme j’admire M. William Crookes et comme je l’envie ! C’est un savant et c’est un poète. Il étudia les propriétés du spectre solaire et du spectre terrestre, il imagina d’ingénieux appareils pour mesurer et, si j’ose dire, pour peser la lumière ; il photographia la lune, il trouva un métal, il crut même trouver une apparence nouvelle des choses, un quatrième état de la matière, qu’il nomma l’état radiant. Pourtant il était triste ; il sentait douloureusement tout ce qu’il y a de médiocre et de pitoyable à n’être qu’un homme : il souffrait de cet ennui commun, a-t-on dit, à toute créature bien née. Il soupirait après un idéal sans nom. Il poursuivait un rêve. Ce rêve était impossible à réaliser. Et il le réalisa. Il vit un esprit, il le toucha, il le nomma Katie King et il l’aima. Oui, M. William Crookes, membre de la Société royale de Londres, vécut pendant six mois dans le commerce d’un fantôme délicieux. Il entretint des relations intimes et