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C’est ainsi que mon ami le bouquiniste ramena ma pensée sur la séance académique où M. Leconte de Lisle et M. Alexandre Dumas ont prédit tous deux l’immortalité à Victor Hugo. Mais, tandis que l’auteur des Poèmes barbares expédiait tout d’un bloc aux âges à venir les œuvres complètes du maître, le philosophe du théâtre donnait à entendre que la postérité ferait un choix sévère.

Il a prononcé un excellent discours, M. Alexandre Dumas, et je n’en suis pas surpris. Cet homme est doué pour parler au monde. Il pense et il dit ce qu’il pense. En cela, il est à peu près unique, du moins dans les lettres. On retrouve dans sa réponse à M. Leconte de Lisle cette absolue sincérité et cette expérience des choses qui donnent tant d’autorité à sa parole. Il a rendu à Victor Hugo, à Lamartine et à Musset ce qui leur était dû. Et, près d’achever son honnête et forte harangue, il s’est demandé ce qu’il allait maintenant advenir de l’œuvre du plus laborieux de ces trois poètes.

« Il en adviendra, a-t-il répondu à sa propre question, ce qu’il advient de toutes les œuvres de l’esprit humain. Le temps ne fera pas plus d’exception pour celles-là que pour les autres ; il respectera et affirmera ce qui sera solide ; il réduira en poussière ce qui ne le sera pas. Tout ce qui est de pure sonorité s’évanouira dans l’air ; ce qui est fait pour le bruit est fait pour le vent. Mais il ne m’appartient pas de préparer ici le travail de la postérité. Il n’y a, d’ailleurs,