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choses temporelles et transitoires, et dans l’unique souci de l’orthodoxie. C’est que M. Leconte de Lisle est un prêtre de l’art, l’abbé crossé et mitré des monastères poétiques. Mieux que cela encore. N’est-ce pas M. Paul Bourget qui l’a appelé un pape en exil ?

Son discours à l’Académie sera plein de certitude et d’infaillibilité. Il y faudra admirer l’ampleur imposante des formes liturgiques, et l’autorité que donne la foi quand on y joint l’exemple de toute une vie. Voilà l’horoscope que je tire. Tenez-le pour certain, car je suis astrologue. Je connais les cieux et j’y ai observé M. Leconte de Lisle.

Je ne crains point de prédire, en outre, qu’il y aura dans le discours du poète un morceau sur le moyen âge. Je devine que ce morceau sera concis et violent. Je le ferais, au besoin, et il n’y manquerait que le talent. M. Leconte de Lisle poursuit le moyen âge de sa haine. Et, comme c’est une haine de poète, elle est très grande et très simple. Elle ressemble à l’amour. Elle est féconde comme lui ; des poèmes magnifiques en sont sortis (le Corbeau, un Acte de charité, les Deux Glaives, l’Agonie d’un saint, les Paraboles de Don Guy, Hieronymus, le Lévrier de Magnus). Mais je crois que cette haine, qui est bonne pour faire des vers, serait mauvaise pour faire de l’histoire. M. Leconte de Lisle ne voit dans le moyen âge que les famines, l’ignorance, la lèpre et les bûchers. C’est assez pour écrire des vers admirables quand on est un poète tel que lui. En réalité, il y a