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nerais s’en vont vers les hauts fourneaux de Birmingham ou d’Essen.

On ne voit donc pas de quelle utilité pouvaient être pour l’ensemble du peuple Espagnol les mines de fer de M. Etienne et du marquis de Romanones. Et certes si l’on demandait à l’ensemble des citoyens s’ils sont décidés à verser leur sang pour sauvegarder des mines lointaines et inutiles, leur réponse serait assurément négative.

Aussi n’est-ce pas comme cela qu’on leur a présenté la chose. On ne leur a point parlé des mines ; on leur a parlé du drapeau.

Et c’est ici qu’apparaît la puissance redoutable des traditions et des symboles.

Au temps jadis, lorsque les peuples ignoraient la grande industrie et n’étaient encore que des agglomérations de paysans, la guerre avait pour but de s’emparer des champs du voisin, de le réduire en servitude, d’enlever sa femme ou ses filles, ou tout au moins de lui imposer des contributions de guerre ou des impôts qui entretiendraient à ses dépens le faste des vainqueurs.

La Patrie fut conçue comme une sorte de Syndicat pour la défense commune contre l’invasion. Et le Drapeau, son symbole, représenta « le sol sacré » du pays, la « liberté » de ses habitants : et l’« honneur » des familles. Une insulte au drapeau était une menace d’invasion, de ruine et de servitude ; et voilà pourquoi les citoyens aussitôt mobilisaient.

Mais depuis un demi-siècle, tout est changé. Ce ne sont plus des propriétaires fonciers qui gouvernent les grandes nations de l’Europe occidentale, ce sont des industriels et des financiers. Ceux-là ne se soucient point de pillage ou de conquêtes, et la guerre de 1870-71 sera probablement la dernière en Europe qui se soit terminée par une annexion.