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SAPHO, DOMPTEUSE

du comte de Sazy. Elle prévoyait la haine qui naîtrait en son cœur lorsqu’il apprendrait sa trahison. La passion, pensait-elle, gagne vite, même pour ceux qui n’ont eu le temps d’inspirer ni l’amitié, ni l’amour. Parfois, elle est furieuse, bestiale, vraie pour quelques moments, immense, certes. Elle laisse dans toute la vie un souvenir ineffaçable.

Melcy se sentait dominée par une puissance mystérieuse ; une sorte d’envoûtement paralysait sa volonté, et c’était l’influence du bandit, de l’amant de proie qui déjà planait sur elle. Elle restait docile, soumise, ahurie par le cynisme et la brutalité de cette sensation. Le feu des regards de Razini l’attirait invinciblement. Au frôlement de ses doigts, la folie de la chair la prenait. L’impunité la tentait, car Joseph Laroube, le seul homme qui valût quelques ménagements intéressés, ne s’apercevait de rien.

Elle ne devinait point, avec l’habituel aveuglement de ses pareilles, l’égoïsme, le calcul criminel du mâle conquérant, la synthèse de ces amours de boue et de sang où elle allait rouler pour son malheur et sa punition.