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LES ANDROGYNES

prendre vous-même, afin que chaque lecteur donne à vos strophes le sens qu’il préfère. Ainsi tout le monde est content.

— Les lecteurs, des mufles ! déclara Defeuille.

— Le public veut être épaté, voilà tout ! appuya un jeune homme verdâtre orné d’un monocle et d’un orgelet, l’un soutenant l’autre. Écoutez ce morceau sans égal…

Mais on n’écoutait plus, les conversations étaient devenues d’un tour fort intime. D’autres orfèvres, ciseleurs de mots et démolisseurs de rimes, purent lancer les petits cailloux de leur inspiration sans atteindre personne, et ce fut tout bénéfice pour l’art.

Le café, servi au salon, on reprit, appuyé l’un à l’autre, le chemin déjà parcouru. André, qui mourait de soif, vida trois tasses coup sur coup, et s’inonda de kummel, la communion n’étant point obligatoire dans les verres à liqueurs.

Defeuille s’empressait, baissant la lumière du lustre, tirant les rideaux et distribuant des orchidées fraîches, prises dans des corbeilles garnies de mousse.