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LES ANDROGYNES

mis devant le Maître, et avait reçu un coup de poing dans la poitrine qui lui avait fait perdre la respiration. Il s’était retrouvé, accoté à un réverbère, et Jacques, à genoux devant lui, étanchait le sang qui sortait de son nez et de sa bouche.

Ces dangers plaisaient au poète, lui faisaient trouver un attrait morbide et une excuse à ces expéditions nocturnes. Il tâchait d’oublier son triste amour, et lorsqu’il avait assez de présence d’esprit, prenait des notes pour un roman de mœurs qu’il méditait.

Ainsi le temps passait ; il n’avait pas de nouvelles de sa maîtresse, et pensait pouvoir l’oublier. Malgré la tristesse de son cœur, il suivait d’un œil indulgent ces formes errantes, molles sous les oripeaux, qui battent les rues avec la démarche suspecte et furtive des bêtes, qui arrêtent les passants, humbles et prometteuses, fouillent l’ombre dans l’exaspération de leur poursuite acharnée. Et, tandis que Jacques se détournait avec mépris, André souriait avec douceur à ces créatures de joie, qui ne connaissent de la joie que le rire, à ces filles