Page:La Vaudère - Les Androgynes, 1903.djvu/191

Cette page a été validée par deux contributeurs.
186
LES ANDROGYNES

muait des pensées douloureuses, se laissait bercer par ses énervements, comparables, en leur morne langueur, au demi-sommeil que donne la morphine. Puis, secouant tout, sortant de ces lâchetés, elle reprenait ses ardeurs, ses forces, son exaspération de volonté. L’hallucination de la dernière étreinte passait et repassait dans les ténèbres de ses nuits. Elle rallumait son désir fiévreux, ranimait sa soif d’amour. Et ce n’était pas la volupté des sens qu’elle souhaitait, mais la volupté du cœur mille fois plus vive, la volupté suprême où semblent s’exalter et s’anéantir toutes les joies humaines… Dans ces alternatives d’affaissement et de révolte, les heures se traînaient péniblement, n’amenant un peu de repos qu’aux premières lueurs du jour : elle s’interrogeait en vain, cherchant à comprendre sa disgrâce, et ne savait que conclure.

N’avait-elle pas été une amante soumise, humble, délicate, fervente et passionnée ?… De quel oubli, de quelle faute pouvait-on l’accuser ?…

— Ah ! se disait-elle, Nora a bien rai-