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Kātyāyanāvavādasūtra (= Saṃyutta, ii, 17, iii, 135, Warren, p. 165).

Cette définition du Pratītyasamutpāda, encore qu’elle ne satisfasse pas Nāgārjuna et l’école des Mādhyamikas (1), paraît bien dépasser l’opinion canonique. Celle-ci reconnaît la réalité des choses causées, n’insiste pas sur le caractère momentané des phénomènes, se contente de nier l’existence d’un moi (pudgalaéïinyatâ), — d’un moi dont le Pratītyasamutpāda permet, en effet, de se passer, mais dont il ne comporte peut-être pas, dans les termes mêmes, la négation. — Cependant on y a cherché cette négation formelle et on a cru la trouver dans la formule finale : « Telle est l’origine de toute cette masse de souffrance n (2) — « toute ^ = Jcevala, qui peut être compris « isolée », et qu’on traduit « privée d’âme, de moi qui se passionne, agisse et souffre ». Cette exégèse, pour être contestable, exprime bien le fond de la doctrine que supporte le Pratītyasamutpāda : acte sans agent, fruit sans patient et, — pour signaler l’aspect cosmique du problème, — monde organisé sans Dieu. Causation éternelle (nitya), insubstantielle (asattvâJchya), momentanée (ksanika), c’est-à-dire faite d’instants successifs, telle est la véritable nature des choses. Une formule, que nous connaissons parle SâlistamhasUtra (3), mais qui a une longue histoire

(1) L’opinion correcte, d’après les Mâdhyamikas, c’est le silence, qui seul correspond en effet à la nature vraie des choses : « ne pas être produites ». — C’est la négation du Pratītyasamutpāda et l’affirmation de la « vacuité » (śūnyatā). Voir ci-dessous, p. 63. — Quelques références ; Poussin, Bouddhisme, (Paris, 1909), p. 188 foll. ; Oltramare, Douze caicses, p. 50 ; Wassilieflf, Buddhismiis, p. 249 ; Madhyamakavrtti, vil, 16, X. 16, XX, 17-18, xxiv, 14-18 . ; Bodhicarydvatdra, ix, 34, 100, 106.

(2) Formule palie : evam etassa kevalassa dukkhahkhandassa samudayo hoti ; formule sanscrite : evam asya kevalasya mahato.., ajoutant mahatah. — Kevala = âtmarahita (Compare Visuddhimagga, JPTS., 1893, p. 141) ; mahatah = anddyantasya = ‘ sans commencement ni fin ’. — Sur duhkhaskandha, masse, branche, ramification de la souffrance, Senart, Mélanges Harlez, p. 290 ; JAs. 1902, ii, p. 284.

(3) Voir ci-dessous Appendice ii au Ṣālistamba.