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nence (śāśvata), ni unité, ni transmigration d’un être doué de caractéristiques permanentes (saṃkrānti : l’homme peut passer dieu) ; tout est transitoire, étant causé ou composé (saṃskṛta). — Cependant, en raison de cette même « production en dépendance », il n’y a pas « interruption », « anéantissement » (uccheda) : bien au contraire : « de petite cause suit grand fruit » (parJttaheluto vipulaphalàbhinirvrttis), et, qualitativement, le fruit correspond à la cause (tatsadréànuprabandha) (1) : la dégustation du fruit se produit dans la série psychique oii se sont trouvés la volition et l’acte qui engendrent ce fruit ; la sensation n’est pas un accident, mais une partie de la série ; le corps est lié comme cause et effet à la série psychique : il y a unité et continuité « biologique », si on peut ainsi dire.

Des skandhas ou des dhâtus se combinant et se renouvelant, des phénomènes momentanés qui se succèdent, telle est la définition rigoureuse (lâJcsanlka) du Pratïtyasamutpâda que nous font connaître les traités de métaphysique, dit l’Abhidharmakośa ; et si, dans les Sûtras, le Bouddha paraît envisager le développement causal et la destinée des êtres {sattva), c’est un enseignement intentionnel {àhhipràylha) — qui a, en somme, pour fin de montrer qu’il n’y a point d’êtres, qu’on ne doit pas se préoccuper de « son » passé, de « son » présent, de « son » avenir.

Enfin, pour aller plus au fond, on ne peut pas dire que les choses soient, car elles n’existent pas en soi ; elles sont produites par des causes pour périr ; elles n’existent qu’en périssant d’instant en instant (2) ; et on ne peut pas dire qu’elles n’existent pas, étant produites et disparaissant : comparer là-dessus Madhyamakavrtti, 269, qui utilise, dans le sens du nihilisme, le

(1) Ce sont les cinq aspects (ākāra, d’après le tibétain rnam-pa) ou causes [kâran^a) du Pratïtyasamutpâda expliqués dans le Salistambasûtra, (Madh. vṛtti, 569).

(2) J’ai réuni dans Madhyamakavṛtti, p. 145, n. 1, 281, n. 1, 545, n. 6, un certain nombre de documents relatifs aux trois ou quatre sairiskrtalak^mas du sai]ishrta (utpâda, vyaya, sthityanyathâtva) et au h^aupahhanga. Je ne me crois pas à même d’en tirer une doctrine suffisamment cohérente. (A. k. v. ii, 46).