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migration » (saṃkrama, saṃkrānti) : le rapport entre le vijñāna « qui tombe d’une existence » et le vijñāna qui s’incarne, est celui qui existe entre une image et son reflet, entre le cachet et l’empreinte[1]. On dit que le vijñāna se réincarne en même temps qu’il « tombe », de même que les fléaux de la balance montent et descendent : ceci n’est, ne peut être qu’une métaphore[2].

5. Le texte cité ci-dessus (1) représente le vijñāna comme descendant seul dans la matrice. D’autres documents sont encore plus nets (Saṃ., i, 37, Majjh., i, 256) : « Quoi, dans l’homme, transmigre ? La pensée », et cette manière de voir sera adoptée par certaines écoles. — Mais le canon mentionne la croyance [populaire] à la réincarnation d’un être complet (appelé gandharva)[3] ; la philosophie brahmanique fait transmigrer un « corps subtil » (lingaśarīra, sūkṣmaśarīra) ; des théoriciens bouddhiques soutiennent que le vijñāna, sauf dans des conditions particulières de force mystique (et encore on discute là-dessus) n’est pas capable de subsister sans matière[4]. Et le canon, en effet, à côté des passages où il parle de la « descente » du vijñāna, en contient d’autres où la notion d’un corps subtil est pour le moins suggérée. D’abord Majjh. i, 256, qui condamne la thèse de la transmigration du vijñāna isolé. Ensuite, Saṃ., ii, 66, 90, 101, descente du nāmarūpa, et (ibid. iii, 46, 56, cp. ii, 13) descente des « cinq sens » ou des « six sens » (manas, mens, compris). La scolastique admettra que les cinq skandhas (éléments constitutifs de la pseudo-individualité) qui prennent fin à la mort, sont remplacés par les cinq autres skandhas de l’être à l’état naissant[5].

Quand le recommencement d’une nouvelle existence a lieu

  1. Voir Madhyamakavṛtti, p. 544 et Visuddhimagga, xvii, apud Warren, p. 239 dont il faut lire tout le chapitre intitulé : « Rebirth is not transmigration » p. 234-41 (d’après Milinda et Visuddhi). Certaines sectes admettent le saṃkrama.
  2. Madh. vṛ. 544, 6 ; Madhyamakavatāra, vi, 18.
  3. Voir Windisch, Buddha’s Geburt ; Hastings’ Encycl. art. Death.
  4. Voir Hastings’ Encycl. art. Cosmology, p. 137.
  5. māranāntika, aupapattyāṃśika, voir par exemple Madhyamakavṛtti, 544, 569. Sur le développement graduel de l’embryon, voir ci-dessous § III, 3.