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« douleur, tristesse, mort, naissance » ; forme, renouvelle et imagine des imaginations (saṅkhāre abhisaṅkharoti, Saṃ., v, p. 449), qui, d’abord isolées ou transitoires, deviennent une « manière d’être » (vihāra), la « conservation » de la pensée. D’où la « vivacité », le caractère vivace de la pensée, et la renaissance, déterminée par cette « manière d’être » — Ou bien, et je pense en effet qu’on peut s’exprimer ainsi, par des saṃskāras comme « je suis », « j’existerai », « puissé-je après la mort renaître dans tel état », on cultive (bhāveti) la pensée : la pensée est donc « conditionnée », « parfumée », « conformée », c’est-à-dire saṃskṛta, abhisaṃskṛta[1].

3. Inversement l’action du corps, de la voix ou de la pensée, (c’est-à-dire, exactement, le karmapatha, chemin de l’acte), tuer, voler, etc., n’est vraiment un acte (karman) au sens bouddhique du mot, c’est-à-dire n’est vedanīya, capable d’être « sentie », grosse de rétribution, que si elle est « parfaite » ou « achevée » (abhisaṅkhata abhisaṃskṛta), c’est-à-dire pensée, réfléchie, ou voulue (ahhisaṃcetayita). Donner de l’or quand on croit donner une pierre, dit la scolastique sanscrite, le don de l’or est fait (kṛta), mais il n’est pas imputable, assumé, (upacita)[2], — parce qu’il n’est pas pensé, achevé[3]. — « Le corps, l’œil, la langue… il faut le considérer comme étant l’acte ancien, l’acte parfait, réfléchi, cause de sensation » (Saṃ. ii, 65, iv, 132)[4] : en termes exacts, le corps n’est pas l’acte ancien, ni la

  1. On sent combien est proche la notion de samskāra, traces laissées par les actes dans l’esprit du Yoga ou du Sāmkhya. Nos textes glosent abhisaṃskṛta par paribhāvita, voir Oldenberg, Buddha5, p. 291. — Comparer l’emploi de abhisamskaroti dans Śatapathabrāhmaṇa ‘ to render or make one’s self (ātmānam) any thing wished to be ’. Aussi Kaushītaki, ii, 6.
  2. upacita « accumulé », comparer la traduction de puṇyābhisaṃskāra « accumulation of merit », Kern, SBE. xxi, p. 317 ; Childers, sub voc. abhisankhāra et saṁskaroti « to accumulate » ; Mṛchchh. ix, 4.
  3. Voir textes cités Madhyamakavṛtti, 303, n. 4 (aussi 137, n. 4).
  4. Mais voir la traduction d’Oldenberg (Bouddha2, p. 226, Buddha5, p 267). — Le texte Saṃ. IV, 132 présente de curieuses particularités. — La rédaction sanscrite (AKV. Ms Burn. p. 51a) : sad imani sparsāyatanani paurānam karma