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2. Quelles sont les causes de l’ignorance ?

a. « L’ignorance n’est pas sans aliments ; elle a des aliments : (1) les cinq nīvaraṇas, (hindrances), à savoir convoitise, méchanceté, paresse et torpeur, orgueil, doute ou scepticisme, qui sont à leur tour nourris par (2) le péché du corps, de la voix et de la pensée, qui provient de (3) la non domination des sens (comparer Saṃ., iv, 70), (4) du manque à prendre exacte conscience des impressions désagréables (ou de l’absence de mémoire de la loi et de conscience attentive de soi), (5) de l’acte erroné d’attention ayoniśo manaskāra, [jugement n’allant pas au fond ?], (6) de l’incrédulité, (7) de la non audition de la loi bouddhique, (8) de, la non fréquentation des saints (Aṅg., v, 113, 116) ».

b. « Convoitise, méchanceté, etc. » peuvent être résumés en un mot, tṛṣṇā, « soif, désir ». La soif cause, nourrit l’ignorance, comme l’ignorance la soif ; ni l’une ni l’autre n’ont eu de commencement (voir Oltramare, p. 34 foll. Visuddhim., xvii, apud Warren, 171 ; comp. Majjh. i, 54, où l’ignorance est en causation réciproque avec les āsravas[1], concupiscence, désir de l’existence, hérésie).

c. La scolastique accorde une grande importance à un des « aliments » cités ci-dessus (sous a), à savoir « l’acte erroné d’attention »[2] ; on cite un sūtra sanscrit qui en fait la cause immédiate de l’ignorance, de même qu’il en est la conséquence (voir Madhyamakavŗtti, 452). Ceci doit, sans doute, s’entendre comme dans Nettip. (28, 79) : l’ignorance à un moment donné a pour cause (hetu) un état d’ignorance qui demeure jusqu’au

    Śikṣasamuccaya, 81, 1, Bodhicaryāvatāra, ix, 1 ad finem : Sūtrālaṁkāra, xvi, 50 ; Vibhanga, p. 85, les listes de saṃyojanas, yogas, oghas, anuśayas, nīvaraṇas.

  1. āsrava « passion » mot sanscrit de la racine sru, to flow, stream, est refait sur le Pāli āsava. Faut-il lire āśraya, « point d’appui » (de la racine sri) ? Comparer upadhi, voir Fausböll, Dhammapada, (Hauniœ, 1885) 279 et Senart, Mélanges Harlez, 293. Il n’y a iñjita, calita, upādāna, que s’il y a nissaya (niśraya), point d’appui. (Suttan., 752). Udāna viii 4 donne la chaîne nissaya, calita, passaddhi, nati, āgatigati, cutūpapāto.
  2. Un équivalent de ayoniśo manaskāra est ayoniśo vihalpa ; Voir Madh. vŗtti, index.