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la société nouvelle

à Paris. Dans la capitale anglaise, où le trafic sexuel n’est pas reconnu officiellement, les marchandes d’amour sont plus indépendantes, plus respectées que dans les autres pays et n’ont pas besoin de défenseurs contre les brutalités de la police. Au contraire, les nombreuses Françaises qui, émigrées à Londres, y exercent cette triste industrie, à Piccadilly, Oxford street et Euston road, prennent en général un souteneur, qui est toujours un compatriote. Cela prouve que ces malheureuses, si insultées, ne sont pas mortes à tout sentiment affectif : elles ont besoin d’aimer un homme à qui elles donnent leur corps qu’à d’autres elles vendent.

D’après les chiffres donnés par Ryan et de Talbot sur la prostitution à Londres, on peut estimer à près de cent mille, sur une population de cinq millions et demi d’habitants, le nombre total d’êtres vendant leur corps pour vivre.

Les familles anglaises, surtout les pauvres, sont très nombreuses. Il n’y a en général qu’une chambre par ménage : le père, la mère et les enfants couchent parfois dans le même lit. La promiscuité des sexes devient ainsi une habitude et est presque considérée comme une chose naturelle.

À Paris, le chiffre des prostituées clandestines est infiniment supérieur à celui des filles inscrites à la préfecture de police. Voici, pour ces dernières, le relevé de la statistique de 1880 à 1887 :

Au Ier janvier 1880
3,582
id. 1881
1,160
id. 1882
2,839
id. 1883
2,816
id. 1884
2,907
id. 1885
3,911
id. 1886
4,319
Au ier mai 1887
4,585

Sur ce nombre, la capitale et la banlieue fournissent beaucoup moins de contingents que la province et les pays étrangers.

Parmi ceux-ci, la Belgique, l’Alsace-Lorraine, la Suisse, l’Italie et l’Espagne sont les plus largement représentées. L’Angleterre, puis l’Allemagne et l’Autriche viennent ensuite. Enfin, on compte un petit nombre d’Américaines et même des négresses.

Pendant la période de 1880-1886, parmi les filles inscrites à Paris, on a compté :

73,91 % de filles majeures ;

23,73 % de filles mineures de dix-huit ans et au-dessus ;

2,35 % de filles mineures de seize ans et au-dessus.