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la prostitution en russie

femme, car le divorce existe en Russie, quoiqu’il soit généralement difficile de l’obtenir. Les femmes de popes ne pouvaient jadis se remarier ; depuis quelques années, cette dure loi est modifiée : les veuves de prêtres ont le droit de prendre un nouvel époux, mais en dehors de la caste sacerdotale.

Le consistoire, institut ecclésiastique qui est au-dessous du synode, s’occupe de chercher des fiancées aux séminaristes qui ont fini leurs études. Ils choisissent de préférence les orphelines de popes qui apportent en dot à leur mari la place de leur père. Le jeune séminariste ne choisit pas lui-même sa future : on lui remet, cachetée, une lettre pour la famille dans laquelle il doit entrer. Muni de cette recommandation, il se présente et épouse une jeune fille qu’il ne connaissait pas le moins du monde.

Les popes se livrent fort à l’ivrognerie, mais ils sont moins débauchés que les prêtres catholiques qui, forcés de demeurer dans une continence contre nature, s’introduisent souvent dans les ménages de leurs paroissiens et séduisent les femmes. Par contre, les moines russes mènent une vie fort rabelaisienne.

Ces ecclésiastiques noirs, comme on les appelle, sont astreints à un célibat qu’ils cherchent à tromper le plus possible. Dans chaque couvent se trouve un hôtel spécialement affecté aux visiteurs, lesquels peuvent y séjourner toute une semaine sans payer. Nombre de riches veuves et de vieilles filles profitent de cette hospitalité et s’en retournent chez elles, souvent avec de tendres souvenirs des aimables moines. L’un des principaux monastères d’hommes, le Troïtzkaya Lavra, près de Moscou, a une telle réputation que les paysannes n’osent pas entrer seules dans le magasin où se trouvent les objets religieux. Dans leur crainte de ces moines, gros et forts, aux passions violentes, elles ne pénètrent dans cette partie du monastère qu’en certain nombre et en se tenant par la main sans se quitter.

Si nous quittons le village pour pénétrer dans les villes, nous y rencontrerons bien plus d’immoralité. Dans les grands ports de mer : Odessa, Cronstadt, Riga, où les cabarets sont remplis de matelots ivres et de filles soumises, il y a, tout comme à Marseille et à Naples, des quartiers entiers de maisons publiques.

Ces établissements sont situés juste en face le port de débarquement. La police déploie une grande activité pour protéger contre la turbulence des clients les patrons de ces maisons. Le soir, ces rues galantes sont mieux éclairées que les autres, remplies de bruits de toutes sortes, de chants, de musique et aussi de disputes. Dans la journée, les prostituées, au lieu de demeurer cachées, semblables à des recluses, comme en France, apparaissent aux fenêtres de la maison, qui ne sont pas closes, ou bien au seuil de la porte et appellent le passant. En général, ces malheureuses pension-