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LÉON TOLSTOÏ

ET LA PERSÉCUTION DE SES DISCIPLES


Écrivain populaire et fondateur d’une religion nouvelle, le comte Léon Tolstoï, né en 1828, appartient à une famille riche ; il possède un village, Iasnaïa Poliana, dans le gouvernement de Toula.

Il interrompit ses études mathématiques commencées à l’Université de Moscou, pour s’engager dans l’armée et fut envoyé au Caucase, puis, quelque temps après la guerre de Crimée, à Sébastopol. Cependant, cet esprit investigateur ne pouvait se satisfaire d’une vie de caserne monotone et brutale ; il se tourna peu à peu vers la littérature, s’occupant surtout de la question de la première éducation. On ne peut bien servir deux maîtres à la fois : Tolstoï, de plus en plus entraîné par sa nouvelle vocation, finit par renoncer à ses épaulettes. Il prit sa retraite comme général et partit dans son village où il fonda une école modèle pour les enfants des paysans.

Après avoir publié plusieurs études, dont les plus attachantes sont Cosaques, Souvenirs de Sébastopol, Anna Karenine et la Guerre et la Paix, Tolstoï en vint à s’occuper de la transformation de la société présente et, contrairement aux révolutionnaires, proclama les moyens pacifiques avec la réforme de la nature morale et physique de l’homme. Il fit paraître plusieurs livres dans lesquels il expose le résultat de ses études sur les hommes et la société. Pour base de sa théorie - on appelle ainsi la religion de Tolstoï - il prend l’Évangile. Il commence ainsi :

« On dit que le point principal du christianisme, c’est d’aimer Dieu et son prochain comme soi-même. Qu’est-ce que Dieu ? Qu’est-ce que le mot aimer ? Comment peut-on aimer un Dieu invisible ? Qu’est-ce que son prochain ? Qu’est-ce que moi ? »

Tolstoï répond ainsi à ses propres questions :

« Aimer Dieu c’est aimer la vérité. Aimer son prochain comme soi-même c’est reconnaître la communion des existences humaines entre elles et avec la vie éternelle : Dieu. »