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souriant aussi. « Laissez-moi vous dire que les aspirations des gens d’Oxford étaient celles d’une pauvre série de barbares du moyen-âge. »


« Oui, c’est bien cela », dis-je.


« Aussi, D reprit Hammond, « ce que j’ai dit d’eux est en somme la vérité. Mais continuez à m’interroger. »


— Nous avons parlé de Londres, des districts manufacturiers et des villes ordinaires : comment sont les villages ?


— Vous devez savoir que vers la fin du XIXe siècle les villages étaient presque détruits, excepté là où ils devenaient de simples ajoutes aux districts manufacturiers, où ils formaient une sorte de petits districts manufacturiers eux-mêmes. On laissait les maisons se délabrer et tomber en ruines. Des arbres étaient abattus pour les quelques shillings que ces pauvres bâtons rapportaient, les bâtisses étaient dégradées et devenaient hideuses à un point inexprimable. Le travail était rare ; les salaires tombaient très bas néanmoins. Tous les arts de la vie de campagne, qui servaient jadis à réjouir la vie du campagnard, étaient perdus. Les produits de la campagne, qui passaient par les mains des laboureurs, n’arrivaient jamais jusqu’à leur bouche.


Des hommes, d’une incroyable âpreté et d’une dégradante pauvreté, occupaient les champs et les prairies qui, malgré la négligente culture du temps, étaient encore si bons et si fertiles. Aviez-vous quelque idée de tout ceci ?


— J’ai entendu dire qu’il en était ainsi, mais qu’est-ce qui vint après ?


u Le changement dans ces choses, » dit Hammond, « se fit très tôt dans notre époque, et se fit étrangement vite. Des gens se ruaient dans les villages et, pour ainsi dire, sur les champs délivrés, comme des bêtes sauvages sur leur proie ; et en très peu de temps les villages de l’Angleterre furent plus peuplés qu’ils ne l’avaient été depuis le XIVe siècle et devinrent de plus en plus grands. Naturellement, cette invasion de la campagne était difficile à organiser et aurait pu créer beaucoup de misère, si les gens avaient encore été sous le joug du monopole de classe. Mais telles étaient les choses que bientôt elles s’arrangèrent d’elles-mêmes. Les gens, comprenant bientôt à quoi ils étaient aptes, abandonnaient les tentatives faites pour se livrer à des occupations où ils devaient nécessairement échouer. La ville envahissait la campagne, mais les envahisseurs, comme les envahisseurs des premiers jours, subissaient l’influence de leur entourage et devenaient des campagnards et, en retour, comme ils devenaient plus nombreux que les, citadins, leur influence s’étendait sur eux aussi ; de manière que la différence entre la ville et la campagne devenait de moins en moins sensible ; et c’est en effet ce monde de la campagne, vivifié par la pensée et la vivacité