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Ils sont tous vertueux. — Gloire et vertu, ça rime. — Aussi longtemps que vivra le monde, — il paiera le caquetage de la vertu — avec le cliquetis de la gloire : — le monde vit de ce bruit-là…

Devant tous les vertueux, — je veux être débiteur, — débiteur de chaque grande dette ! — Devant les résonnateurs de la gloire, — mon avarice devient ver de terre ; — parmi de telles gens, j’ai comme seule envie — d’être le plus humble

Cette monnaie avec laquelle — tout le monde paie, — la Gloire, — je mets des gants pour toucher cette monnaie, — mon dégoût piétine dessus.

III

Silence ! — Sur les grandes choses — je vois des grandes choses ! — On doit se taire — ou parler grandiosement : — Parle grandiosement, ma ravie sagesse !

Je regarde en haut — des flots de lumière roulent : — ô nuit, ô calme, ô vacarme silencieux comme les morts ! — Je vois un signe : — des plus éloignés lointains — descend, lentement étincelante, l’image d’une étoile vers moi.

Constellation suprême de l’être ! — Table des visions éternelles ! — C’est toi qui viens vers moi ! — Ce que personne n’a vu, — ta muette beauté, — comment ! elle ne fuit pas devant mes regards ?

Enseigne de la nécessité ! — Table des visions éternelles ! — Mais tu le sais bien, — ce que seul moi j’aime, — tu sais bien que tu es éternelle ! — que tu es nécessaire ! — Mon amour ne s’enflamme — éternellement qu’à ta nécessité.

Enseigne de la nécessité, — constellation suprême de l’être ! — toi que n’atteint aucun vœu, — toi que ne souille aucune négation, — éternel oui de l’être, — éternellement je suis ton oui : — car je t’aime, ô éternité !


DE LA PAUVRETÉ DU TRÈS RICHE

Dix ans se sont passés, — pas une goutte d’eau ne m’apparut, — pas de vent humide, pas de rosée d’amour, — un pays privé de pluie… — et je prie ma sagesse — de ne pas devenir avare dans cette sécheresse : — toi-même déborde, stillicide toi-même ta rosée, — sois toi-même la pluie de ta sauvage solitude !

Jadis j’ordonnais aux nuages — de s’éloigner de mes montagnes. — Jadis je leur disais : « Plus de lumière, tristes ombres ! » — Aujourd’hui je les attire pour qu’ils viennent : — Faites l’obscurité autour de moi avec