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Dans mon entrée en matière, je disais :

« Enfin, je compte démontrer au Sénat que, quelle que soit la revision, elle ne sera qu’un palliatif, impuissant à nous assurer la permanence de l'ordre. »

D’abord, il est évident qu’une constitution, quelle qu’elle soit, à notre époque, ne démontre pas la base du droit qu’el e proc ame, ne démontre pas une sanction inévitable, supérieure à toute force brutale, c’est-à-dire a sanction ultra-vitale, religieuse, en un mot. Ensuite, je ne pense pas qu’il s’agisse, dans la nouvelle Constitution, de corriger la répartition des richesses résultant de l’organisation immémoriale de la propriété foncière, répartition qui cause actuellement l’agitation des masses...

Tant que cette répartition subsistera, le paupérisme matériel, cause, avec l’ignorance sociale sur la réalité du droit, de toutes les misères, de toutes les plaies sociales, ne subsistera-t-il pas également ?

Depuis que le sol est aliéné à des individus, l’esclavage existe. L’esclavage domestique s’est transformé quand le maître, le propriétaire du sol, entouré d’esc aves trop nombreux pour sa propre sécurité, a dit aux uns : Je veux récompenser votre obéissance ; j’ai des terres là-bas, au loin, non cultivées, allez-y, travaillez ; le fruit de votre labeur m’appartient, c’est évident ; mais je vous en laisserai assez pour vivre, si vous travaillez bien ; vous pouvez avoir femme, enfants ; je ne vous vendrai qu’avec la terre !

Je parle de ce qui s’est passé il a plus de mille ans.

Et les esclaves ont été remplis Xe reconnaissance pour ce bon maître : ils sont allés cultiver la terre.

L’envie d’acquérir un petit ãécule les a excités au travail. Le sol a donné davantage au maître ; son fon s s’est amélioré ; il a été débarrassé du soin de ses esclaves pendant les maladies, pendant leur vieillesse, et sa sécurité s’est augmentée par leur éloignement.

Le serf, car c’était le servage, s’est cru plus libre ; il n’aurait plus voulu redevenir esclave domestique. Sa chaîne était plus lourde, soit ! mais elle était plus longue.

Du servage au vasselage, aux corporations d’ouvriers, de ceux-ci aux prolétaires, la transformation a subi la même loi : augmentation du profit des forts, augmentation d’exploitation des faibles, illusion de liberté.

Mais ces transformations ont profité chacune du développement d’une classe nouvelle, celle des intermédiaires entre les possesseurs du sol et les esclaves, quand ceux-ci sont devenus suffisamment nombreux. Cette classe intermédiaires, c’est la bourgeoisie, issue des affranchis.

Tant que le sol a été monopolisé par droit de naissance, à cause principalement du droit de primogéniture, la bourgeoisie, c’est-à-dire la classe soustraite par les maîtres, afin de les aider dans leur exploitation, au travail abrutissant des esclaves, n’a pu acquérir que de la propriété mobilière.

Mais elle en a profité pour développer son intelligence. Plus tard, elle s’est rendu compte du secret de la puissance de la caste noble, et quand elle l’a pu, en attisant les passions des esclaves, elle les a rués sur les nobles et sur le clergé, pour arriver à modifier l’organisation de l’hérédité, c’est à-dire des privilèges de naissance des premiers maîtres du sol. Le droit de primogéniture a été supprimé.

Et, d’une façon générale, la suppression de ce droit a pour conséquence nécessaire la domination de la richesse mobilière, du ca ital. Car, si la propriété foncière se morcelle par l’hérédité, elle devient ai plus en plus