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fois qu’ils rencontraient mes regards ils me faisaient un très profond salut.

Nous marchâmes directement dans la première cour du Museum, où, excepté que les grilles avaient disparu, et les chuchotements des branches des arbres auprès, rien ne paraissait changé ; les mêmes pigeons tourbillonnaient autour du bâtiment et se cramponnaient aux ornements du fronton comme je les avais vus jadis.

Dick paraissait un peu absorbé, mais il ne pouvait pas s’empêcher de me donner une explication architecturale :

— « C’est plutôt un vilain bâtiment, ne trouvez-vous pas ? Beaucoup de gens ont désiré qu’on le démolisse pour le rebâtir et peut-être, si l’ouvrage devient rare, nous le ferons encore. Mais, comme mon aïeul vous le dira, cela ne serait pas tout à fait une bonne besogne, car il y a là des collections superbes de toutes espèces d’antiquités, puis, entre autres, une énorme bibliothèque avec beaucoup de livres excessivement beaux, et de très utiles comme des archives authentiques et des textes d’anciens ouvrages ; le tracas, l’anxiété et même le risque qu’il y aurait à remuer tout cela ont sauvé les bâtiments eux-mêmes. Puis, comme nous l’avons dit déjà, ce n’est pas une mauvaise chose que d’avoir un spécimen de ce que nos aïeux croyaient être un bel édifice, car cela a demandé beaucoup de labeur et de matériaux. »

« Je vois qu’il y en a, dis-je, et je suis tout à fait de votre avis. Mais, ne ferions-nous pas mieux de nous dépêcher afin de voir votre aïeul ? »

En effet, je ne pouvais pas m’empêcher de m’apercevoir qu’il perdait du temps. Il dit : « Oui, nous entrerons dans la maison dans une minute. Mon parent est trop vieux pour faire beaucoup d’ouvrage dans le Museum, où il fut bibliothécaire pendant de longues années ; mais il demeure encore ici souvent, je crois en vérité, » dit-il souriant, « qu’il se regarde lui-même comme faisant partie des livres ou que les livres sont une partie de lui-même, je ne sais trop lequel des deux. »

Il hésitait encore un peu, puis en rougissant il prit ma main et dit : « Venez alors ! » et me conduisit vers la porte d’une des anciennes demeures officielles.