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— « Cela dépend de ce que vous entendez par des enfants ; et aussi vous devez-vous rappeler combien ils diffèrent les uns des autres. D’habitude ils ne lisent pas beaucoup, excepté quelques livres d’histoire avant qu’ils n’aient environ quinze ans ; nous n’encourageons pas plus tôt la passion de la lecture : quoique vous trouverez des enfants qui aiment à lire de bien bonne heure, ce qui peut-être n’est pas bon pour eux, mais c’est inutile de les contrarier ; très souvent cela ne dure pas longtemps et ils trouvent ce qui leur convient avant qu’ils aient vingt ans. Voyez-vous, les enfants sont presque toujours enclins à imiter leurs parents, et quand ils voient autour d’eux des gens ayant entrepris un ouvrage naturellement amusant, comme bâtir des maisons, paver la rue, ou cultiver les jardins, et des choses semblables ils connaissent vite ce qu’ils ont besoin d’en savoir ; aussi, je ne crois pas que nous devons craindre d’avoir trop d’hommes instruits par les livres ».

Que pouvais-je dire ? Je me tenais coi, de crainte de nouvelles confusions. Et puis, j’employais mes yeux de toutes mes forces, et pendant que le vieux cheval allait au petit trot, je songeais avec étonnement à ce que j’allais voir au moment où j’arriverai dans Londres même, comment serait la ville maintenant.

Mais mon compagnon ne pouvait abandonner son sujet et il continua en me disant :

« Après tout, je ne crois pas que cela leur fait beaucoup de tort, même s’ils grandissent comme « étudiants de livres ». Des gens comme ceux-là, c’est un grand plaisir de les voir si heureux avec un travail qui n’est pas très recherché. D’ailleurs, ces étudiants sont généralement de si agréables gens ; si bons et si doux de caractère ; si humbles et en même temps si anxieux d’apprendre à tout le monde ce qu’ils savent. Réellement, j’aime beaucoup ceux que j’ai rencontrés.

Ceci me semblait un langage si étrange que j’étais sur le point de lui faire une autre question, quand justement nous arrivâmes sur le sommet d’une colline près d’une grande clairière de la forêt ; à ma droite j’entrevis un édifice grandiose, dont l’aspect extérieur m’était familier, et je m’écriai : « Westminster Abbey ! »

« Oui, » répondit Dick, « Westminster Abbey.. ce qui en reste. »

« Quoi, qu’est-ce que vous en avez fait ? » dis-je avec terreur.

— « Ce que nous en avons fait ? Pas grand chose, si ce n’est de la dégager. Vous n’ignorez pas que tout l’extérieur avait été abîmé il y a des siècles ; quant à l’intérieur, il a conservé sa beauté après le grand déblayement, qui fut fait il y a cent ans, de ces abominables statues érigées en l’honneur d’imbéciles et de coquins qui jadis le bloquaient, comme dit mon aïeul »