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grand nombre (nous rencontrâmes beaucoup de gens) étaient franchement et ouvertement joyeuses.

Je croyais que je connaissais la grande route par la situation des chemins qui s’y croisaient. Vers le côté nord se trouvait une rangée de bâtiments et de cour basse très joliment bâtis et ornementés et formant un grand contraste avec les maisons sans prétention qui se trouvaient à l’entour ; au-dessus de ces bâtiments bas s’élevait un toit escarpé recouvert de plomb et les arches et la plus haute partie du mur d’un grand hall, d’un splendide style d’architecture, qui, on peut le dire, semblait réunir pour moi les meilleures qualités du gothique du nord de l’Europe et du saracénique et byzantin, quoiqu’il n’y eût guère ici de copie de l’un ou de l’autre de ces styles. De l’autre côté, du côté sud du chemin, se trouvait un bâtiment octogonal couvert d’un toit, semblable comme contour à celui du Baptistry de Florence, excepté qu’il était entouré d’un appui qui formait visiblement une clôture au bâtiment. Cela aussi était très délicatement ornementé.

Toute cette masse d’architecture que nous avions vue tout d’un coup en sortant des champs agréables n’était pas seulement exquisement belle en elle-même, mais portait l’expression d’une telle plénitude de vie que j’en étais arrivé à un degré de gaîté que je n’avais jamais ressenti ; je riais franchement aux éclats. Mon ami semblait le comprendre et me regardait avec un intérêt content et affectionné. Nous étions arrêtés au milieu d’une quantité de charrettes, dans lesquelles se trouvaient des gens bien portants et beaux, hommes, femmes et enfants habillés avec gaîté ; ces charrettes étaient évidemment des charrettes de marché, puisqu’elles étaient remplies de très tentants produits de la campagne.

Je dis : « Je n’ai pas besoin de demander si c’est un marché, je le vois clairement ; mais quel marché est-ce pour être si splendide ? Et quel est ce hall grandiose, et quel est cet édifice du côté sud ? »

« Oh ! » répondit-il, « ce n’est que notre marché de Hammersmith, et je suis heureux que vous l’admiriez tant, car nous en sommes réellement fiers. Il va sans dire que l’intérieur du hall est notre « Mote house » de l’hiver, car en été nous nous assemblons dans les champs, près de la rivière, en face de Barn Elms. L’édifice à droite, c’est notre théâtre. J’espère qu’il vous plaira. »

« Il faudrait que je fusse fou pour ne pas le trouver beau », disais-je.

Il rougit un peu quand il ajouta :

« J’en suis heureux aussi, car j’y ai travaillé ; j’ai fait les grandes portes ; elle sont en bronze ciselé. Nous les regarderons peut-être plus tard dans la journée : mais nous devons avancer maintenant. Quant au marché,