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« Oh ! répondit-il, ne vous inquiétez pas, cela me donnera l’occasion de rendre service à un de mes amis qui désire prendre ma besogne ici. C’est un tisserand de Yorkshire, qui s’est fatigué un peu et de son métier de tisserand et de ses études mathématiques ; l’un et l’autre sont des travaux d’intérieur, voyez-vous ; et comme il est mon grand ami, il est venu naturellement chez moi pour me demander de lui trouver quelque travail en plein air. Si vous croyez que vous pouvez le faire, je vous prie, prenez-moi comme guide ! » Après une petite pose, il ajouta : « Il est vrai que j’avais promis de remonter le courant pour aller voir quelques amis intimes, pendant la fenaison ; mais ils ne seront pas disposés à nous recevoir d’ici à une semaine, et puis, vous pouvez y venir avec moi, vous verrez des gens très aimables, et vous pourrez de plus prendre note de nos coutumes dans le Oxfordshire. Vous ne pourriez pas faire mieux si vous voulez voir le pays. »

Je me sentais obligé de le remercier, n’importe ce qui arriverait ; et il ajouta vivement :

« Bien, alors, c’est une affaire arrangée. Je vais appeler mon ami ; il habite dans la même Maison des hôtes que vous, et s’il n’est pas encore levé, il devrait l’être par cette belle matinée d’été. »

En même temps, il prit à sa ceinture une petite corne en argent et en fit sortir deux ou trois notes aiguës mais agréables ; et bientôt de la maison qui se trouvait désormais à la place qu’occupait mon ancienne demeure, un autre jeune homme sortit et vint vers nous en flânant.

Il n’était pas si beau ni d’un tempérament aussi vigoureux que mon ami le batelier ; la couleur de ses cheveux rappelait celle du sable, il était un peu pâle et pas solidement bâti ; mais sa figure ne manquait pas cette heureuse et aimable expression que j’avais observée chez son ami. Comme il venait vers nous en souriant, je vis avec plaisir que je devais abandonner la théorie de la folie au sujet du marin, car jamais deux fous ne se conduisirent devant un sain d’esprit comme eux le firent. Son habillement était de la même coupe que celui du premier, quoique dans une note un tant soit peu plus gaie, le surtout étant vert clair brodé sur la poitrine d’un liséré d’or, et sa ceinture faite de filigrane d’argent. Il adressa un bonjour très civil et saluant son ami joyeusement, il dit :

« Eh bien, Dick, qu’est-ce qu’il y a ce matin ? Aurai-je mon ouvrage, ou plutôt ton ouvrage ? Je rêvais la nuit passée que nous étions sur la rivière en train de pêcher. »

« All right, Bob », répondit mon rameur ; « tu vas descendre ici à ma place, et si tu trouves le travail trop fatigant, il y a George Brighton, qui ne regarde pas à donner un coup d’épaule, et tu l’as sous la main. Mais voici un étranger qui veut me distraire aujourd’hui en me prenant pour le