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Fils et du saint Maître. Mais le plus angoissant est certes la corruption des nerfs. Qu’on traverse la nuit une grande ville, on entend partout forcer avec rage les instruments, un hurlement sauvage se mêle à cela. Que se passe-t-il ? Les jeunes gens adorent Wagner. Bayreuth rime avec maison de santé. Télégramme typique de Bayreuth : Presque repenti (bereits bereut). Wagner est pernicieux pour les jeunes gens ; il est fatal pour la femme. Médicalement parlant, qu’est ce que la femme wagnérienne ? Il me semble que le médecin ne pourrait assez sérieusement placer devant les yeux des jeunes femmes, cette alternative de conscience : l’un ou l’autre. Mais elles ont choisi. On ne peut servir deux maîtres, lorsque l’un d’eux s’appelle Wagner.

Wagner a sauvé la femme ; la femme pour cela lui a construit Bayreuth. Sacrifice, abandon complet, on n’a rien qu’on ne voudrait lui donner. La femme s’appauvrit au profit du maître ; elle devient touchante, elle est nue devant lui. La wagnérienne, le double sens le plus gracieux qu’il y ait aujourd’hui : elle personnifie la chose de Wagner, dans son signe triomphe ceci. Ah ! ce vieux brigand ! Il nous ravit nos jeunes gens, il nous ravit même nos femmes et les entraîne dans sa caverne… Ah ! ce vieux minotaure, que ne nous a-t-il pas conté ? Annuellement on lui amène des trains des plus belles jeunes filles, des plus beaux jeunes gens, afin qu’il les avale dans son labyrinthe, annuellement toute l’Europe retentit du cri : « En avant pour la Crète ! En avant pour la Crète ! »


DEUXIÈME POST-SCRIPTUM

Ma lettre, paraît-il, est exposée à une fausse compréhension. Sur certains visages se dessinent les plis de la reconnaissance ; j’entends même signaler une modeste allégresse. Je préférerais ici, comme en beaucoup de choses, être compris. Mais depuis que les vignes de l’esprit allemand sont ravagées par un nouvel animal, le ver de l’empire, le célèbre rhinoxera, plus une seule de mes paroles n’est comprise La Kreuzzeitung elle-même me le prouve, sans parler de la Litterarisches Centralblatt. J’ai donné aux Allemands les livres les plus profonds qu’ils possèdent d’ailleurs. Motif suffisant pour que les Allemands n’en comprennent pas un mot… Si, dans cet écrit, je fais la guerre à Wagner et accessoirement au « goût » allemand, si j’ai des mots durs pour le crétinisme de Bayreuth, je ne voudrais rien moins que faire fête ainsi à d’autres musiciens.

D’autres musiciens ne peuvent être pris en considération contre Wagner. Cela sonnerait mal, du reste.

La décadence est générale. La maladie est profonde. Si le renom d’avoir